Rupture politique et enseignement de l'histoire en Afrique du Sud : Les manuels de l'enseignement primaire

L'enseignement de l'histoire, en raison des enjeux idéologiques qu'il comporte, subit sous toutes les latitudes l'impact direct des mutations sociales et des ruptures politiques qui surviennent ici et là. Les bouleversements récents survenus en Afrique du Sud placent ce pays devant une multitude de tâches bien difficiles à ordonner sur un axe de priorités. Parmi elles la mise en place dans le domaine de l'éducation d'un nouveau curriculum qui, paradoxalement, ne comporte plus d'histoire répertoriée en tant que telle mais immerge celle-ci dans un module de sciences humaines et sociales. A travers l'analyse de contenu de manuels d'histoire de l'enseignement primaire depuis le début des années 1980 jusqu'aux publications les plus récentes, nous cherchons à mesurer l'ampleur des changements survenus mais aussi leurs limites dans un contexte politique marqué par la tension entre les aspirations à l'égalité et à la justice issues du passé et les contraintes imposées par le fonctionnement d'une économie libérale insérée dans la mondialisation du capitalisme moderne. Les changements observés dans le contenu des ouvrages sont considérables et semblent relever de deux modèles théoriques: celui de la multiculturalité incarné dans l'idée de rainbow nation (nation arc-en-ciel), celui de l'universalité de l'humanité située au-delà de la diversité des cultures et attestée par l'archéologie. Ces deux modèles permettent de constituer la base d'une réfutation de l'idéologie inégalitaire sur le plan racial ou ethnique mais ne semblent cependant pas être utilisés en vue d'une critique radicale de toute forme d'inégalité, sociale en particulier.